Le BANC D'ARGENT ou SILVER BANK
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Journal de bord de BALUM en 2004 :
"Lundi matin 19 avril 2004 à Santa Barbara de Samana, République Dominicaine : il ne fait pas très beau, j'ai décidé pourtant de lever le camp.
13 heures 30, je remonte mon ancre, elle est couverte de boue gluante, comme la chaîne : pas très ragoûtant… Pour quitter la baie de Samana, je vais faire route au diesel : le vent est au nord-est, les Bermudes sont au nord-est... Ce n'est pas grave, je veux passer par le Banc d'Argent.
Le "Silver Bank", en anglais, est un plateau corallien à une soixantaine de kilomètres au nord, au large de la République Dominicaine. C'est une table de corail plus ou moins carrée d'environ cinquante kilomètres de côté, loin de tout, à quelques mètres sous la surface. Sur le pourtour, c'est un tombant presque vertical jusqu'à cinq mille mètres de profondeur. A quelques endroits, le corail affleure la surface. Les jours de gros temps, la mer déferle, mais par beau temps, le danger est invisible. A l'ère du GPS et des cartes électroniques, ce n'est pas un problème de naviguer là, mais j'imagine tous les drames qui ont dû se dérouler dans ces eaux bleues.
Les baleines à bosse avaient découvert ce lieu bien longtemps avant l'homme pour venir y mettre au monde leurs petits. Tous les hivers, des milliers d'individus viennent ici et trouvent les conditions propices à la croissance des baleineaux : des eaux chaudes, des fonds de faible profondeur pour les protéger des prédateurs, des grands fonds pour aller se nourrir.
Comme en baie de Samana, j'arrive ici trop tard dans la saison : dès la mi-mars ces mammifères géants repartent vers le nord, vers les eaux polaires pour se goinfrer de krill. Je n'en verrai aucun, je m'y étais préparé, mais je longe quand même le récif de corail, à quelques centaines de mètres du tombant, fasciné par cette merveille de la nature que je ne peux qu'imaginer."
J'ajoute que je n'avais pas le droit de jeter l'ancre sur ce plateau corallien, j'aurais dû en demander l'autorisation 3 mois à l'avance, avec des motifs scientifiques...
Et puis que vient faire dans ces pages ce plateau corallien qui n'émerge qu'aux très grandes marées basses, ce n'est pas une île ! Il m'a pourtant bien fait rêver, il m'a fait rêver à un point tel que, quand j'ai fait une version papier de mon journal de bord, je l'ai intitulé "Vers le banc d'Argent".
Un an de croisière vers un but que je n'ai pas atteint, vraiment stupide ?
Epilogue, comme on dit, quelques jours plus tard :
"25 avril, 29°08' nord - 70°48' ouest : (...) quand tout à coup... Oui, là, à cinq cents mètres de Balum, un troupeau de baleines à bosses ! Je commençais à croire que je rentrerais en France sans en avoir vu... Le troupeau est là et quatre d'entre elles vont même me gratifier d'un saut superbe, entièrement hors de l'eau, avec grosses éclaboussures ! Tout va bien, je peux rentrer à Morgat."